LE PROJET
7000 km (on en a fait un peu plus de 7500 km à la fin), de Iguazu (Brésil-Argentine) à Chiclayo (Pérou), cinq pays, 7000 km, 4700 m de dénivelé, des températures allant de 30°C à –25°C, un roadtrip d’un mois, deux coéquipiers, un Dodge Camper (véhicule aménagé) et un carnet de route à remplir et un délai à respecter !
Des chutes d’Iguazu, nous partirons pour les Andes Argentines et ses montagnes multicolores, traverserons le désert d’Atacama et ses volcans, monterons sur le Salar d’Uyuni et le lac Titicaca, et découvrirons la Cordillère blanche au Nord Pérou… voilà notre Symphonie Andine nous promettait pendant un mois avant le départ.
Préambule
Je suis déjà allée au Mexique plusieurs fois, en Colombie, en Equateur, au Brésil plusieurs fois, en Argentine (Patagonie), au Chili (Centre et Patagonie), au Pérou, au Paraguay, dont le Pérou, l’Argentine et le Chili (Patagonie) avec JP.. Il me manque toute l’Amérique Centrale, et en Amérique du Sud : le Venezuela, la Bolivie et l’Uruguay.
Le Venezuela est un peu à part même s’il se trouve en Amérique du Sud par sa position géographique, coupé du reste par une Colombie restée longuement inaccessible et l’Amazonie. L’Uruguay aussi, nous aurions pu, si nous aurions une semaine de plus, faire un détour, ce qui fut finalement impossible, le planning a été trop serré.
Le projet qui nous a été proposé nous fera passer au cœur de l’Amérique du Sud, sur sa colonne dorsale, les Andes, récapitulant à lui seul tout ce qu’il me reste à faire. Je me rends compte qu’il s’agit effectivement de la pièce manquante du puzzle qui m’a aidé à avoir un peu compris comment ça fonctionne dans l’ensemble de ce continent si vaste, si lointain mais finalement si proche. Nous découvrons non seulement la Bolivie manquante, mais aussi toute la partie des Andes et Altiplano qui manquaient à mon répertoire.
Le voyage en camping est probablement le moyen le plus adapté et le plus chouette pour parcourir l’Amérique Latine. En 25 jours exactement nous avons pu faire ce qu’on fait habituellement pendant le double du temps avec la moitié du budget, et surtout un plaisir immense de la sensation de la liberté et de confort. Enfin cette notion de confort doit parfois être nuancée !
Puisque avec cette façon de voyager, nous avons troqué des déroulements d’habitude que sont « transfert à l’hôtel » ou autre « départ en excursion avec guide parlant…. » contre « la batterie ne se recharge pas, il faut trouver un garage » ou encore « là il y a un marché, on fait des provisions ? », ou encore « avec quel poisson le ceviche donne le meilleur goût ? » (je le sais désormais : le thoyo pour une majorité de péruviens, et pour moi, le pejerrey sans peau, c’est délicieux mais quel sacrifice pour la cuisinière car il y a vraiment du boulot) » …
Vivre (presque) comme les habitants, ce qui nous a ouvert les yeux, ce qui nous explique beaucoup de zones d’ombres et de doutes engendrés lors des autres voyages qu’on a fait autrement.
Vivre (presque) comme les habitants, voici le rude défi pour mon espagnol niveau intermédiaire de tendance plutôt académique : ici on n’utilise pas le imperfecto de subjuntivo ni le pluscumbreperfecto; on ne fait pas la nette distinction, exemples à l’appui, entre les preterito indefinido (entendons « passé simple ») et autre preterito definido (équivalent de « passé composé »).
Depuis que j’apprends l’Espagnol, ça me fait marrer quand les gens te disent : « tu parles français, c’est plus facile ». Celui qui le dit, soit il est hispanophone de naissance (donc il ignore les difficultés d’apprentissage), soit il ne parle pas (bien) l’Espagnol, autrement dit, il ne sait pas de quoi il parle ! la fausse ressemblance ne fait qu’aggraver les difficultés, surtout une fois qu’on est jeté dans la réalité de la vie courante : les gens te parlent normalement, tout simplement, eh bien, pas facile. Moi qui suis tout de même capable de mener une petite discussion ou un discours en classe, j’avais l’impression de ne plus parler l’Espagnol du tout une fois sur place les premiers jours.
J’ai essayé de penser à ce que disait mon prof chilien : tu t’en fiches de réfléchir des temps utilisés, l’importance et de se comprendre !
Mais même si l’on s’en fiche du temps des verbes, il y a dix milles autres problèmes : En classe, tu apprends à conjuguer les verbes à la première personne au singulier (toi-même) et à la deuxième personne au singulier (ton prof), de surcroît en tutoiement. Ici il faut déjà tout conjuguer en première personne mais au pluriel (on est deux), mélangé au « on » français, la conjugaison en français n’est pas déjà très joyeux. Puis, comme on te vouvoie, tu essaies de vouvoyer, seulement voilà qu’en super-espagnol, cela se conjugue à la troisième personne. Et quand on te pose la question ? Dedonde son ? ou autre ? Adonde van ? tu réfléchis longuement dans ta tête en te posant la question: « De qui ils causent ? » de toi, pardi ! Cela tout simplement veut dire « D’où viennent ce monsieur et cette madame ? » et idem « Où vont ce monsieur et cette madame ? » pour ton équivalence grammaticale française.
Et puis, il y a l’accent, ou plutôt les accents. Le légendaire JJ des Brgentins. J’en ai entendu parler plusieurs fois, mais là, dans la pratique, c’est moins drôle. Tu ne piges tout simplement rien de ce qu’on te raconte. Tu vas à Cafayate, ils disent Cachafate, tu reviens d’Iruya, il disent Irucha. Les Boliviens ne disent pas la ruta normalement, mais la Jouta avec le J prononcé à la française, entre autres.
Et, le fin des fins, le vocabulaire. Comme par hasard, (presque) tous les mots concernant la circulation et la voiture sont DIFFERENTS d’un pays à l’autre. Si tu as ton chauffeur chéri à coté qui est un brin impatient, bonjour les dégâts : « tout droit » se dit derecho en Argentine, directo en Bolivie, et de frente au Pérou (je crois qu’ils sont à peu près d’accord sur la gauche et la droite sans être sure à 100%). Sans compter les esquina (à l’angle, mais laquelle ?) et autres quadras (blocs, mais combien, est-ce qu’on compte celui sur lequel on se trouve ?). Si l’on veut te dire de tourner, au lieu de dire girar comme en Espagne, on m’a sorti un doblamos en Bolivie (et encore s’ils ne sortent que les verbes sans conjugaisons…. Mais non !). Et le arriba (en haut, mais en réalité il faut comprendre « en suite »). Le tout au milieu d’une circulation infernale dans une ville qui s’étend de 3200 mètres à 4000 mètres d’altitude qu’est La Paz avec rues étroites et pentues, épreuve de conduite à tous les démarrages en cote, c’est à dire à chaque feu rouge, à chaque arrêt devant les piétons, à chaque croisement… Et, dès que tu peux finalement rouler un peu (un peu moins de circulation), t’as des gendarmes couchés, appelés ici muelles haut de 40 cm et large d’autant, sans aucun signalement ni rien, une fois toutes les 300 mètres.
Et tout ça, c’est rien par rapport à la conduite à Lima : sans mots. C’est tout cela sans les pentes mais plus les autoroutes urbaines et la circulation d’une ville de près de 10 millions d’habitants intra-muros ! C’est simple : il est impossible de ne pas se perdre. On a finalement payé un chauffeur de taxi qui nous a servi d’éclaireur jusqu’au point de stationnement du véhicule dans le quartier Miraflores. Ce fut le 11 juin 2012
Mais partons plutôt du début de l’aventure!